Les espérances planétariennes

Clandestins : Tanger, dernière étape avant l’Europe

Par Paulo Moura, Pûblico, Lisbonne (extraits)

 

Nous sommes en plein cœur de la forêt de Missnana, aux alentours de Tanger. Livingstone et Benjamin se lavent en silence. « C’est un endroit secret » , nous ont-ils expliqué avant de s’enfoncer entre les arbustes, portant les bonbonnes d’eau qu’ils sont allés remplir à la fontaine. Ils enfilent les vêtements qu’ils viennent tout juste de laver et retournent vers leur zanga, dans un autre endroit secret.

 

« Il y en avait cinquante-six mais il n’en reste plus aucun ici. Pas de chance. Vous les avez ratés de peu. On les a déjà emportés », nous fait dire l’employé de la morgue, qui est disposé à nous laisser voir les corps, à les photographier, contre un peu d’argent. « Mais il en viendra d’autres demain. Il en arrive tous les jours. » Cinquante-six personnes qui étaient de trop. L’Afrique les a rejetées. L’Europe les a rejetées. Comme dans un vaste haut-le-cœur. Il a fallu s’en débarrasser à la hâte dans une fosse commune, par manque de place. Ces cinquante-six cadavres noirs sont entrés à la morgue de Tanger ce matin. C’est sans plus aucune surprise, et dans l’indifférence générale, que l’on voit arriver ces corps pétris de sable et de sel, d’eau et de sang, qui sont devenus totalement méconnaissables. De toute façon, personne ne vient jamais les identifier. On les a enterrés en fin d’après-midi, pour faire de la place aux suivants. Lire la suite

juin 3, 2007 Posted by | 1-Anti-racisme et droit des peuples, Espagne, Maroc | Laisser un commentaire